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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/108

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BEAUMARCHAIS.

sorte de préjugé platonique, d’autant plus choquant, il est vrai, qu’il ne répondait à rien dans la réalité sociale.

Si Beaumarchais n’avait été qu’un littérateur, s’il n’avait été que l’auteur de Figaro, il n’eût pas été à proprement parler un parvenu. N’ayant point subi les rebuffades de la société, il n’aurait eu besoin, pour s’imposer, ni d’arrogance, ni d’ostentation. Mais il ne fut dramaturge qu’à ses heures de loisir ; le théâtre ne fut pour lui qu’un simple divertissement. C’était non par les lettres, mais par l’argent qu’il prétendait se faire une place dans le monde. Or les temps n’étaient pas révolus : à la fin du xviiie siècle, la richesse n’inspirait encore par elle-même ni estime ni considération. Sans doute, depuis le commencement du siècle, par le trafic et la spéculation, le Tiers État s’était enrichi ; comme il s’était fait le banquier de la royauté et de la noblesse, il les tenait l’une et l’autre à sa merci, et à ce point de vue, la Révolution ne devait être que l’expropriation forcée de débiteurs mis en état de banqueroute. Mais si l’argent était déjà puissant, il avait encore contre lui le préjugé de tous ; et de ce préjugé-là Beaumarchais n’a jamais triomphé.

Peu d’hommes à cette époque ont vu d’une façon aussi claire que l’avènement de l’argent était proche. Élevé à l’école d’un des plus remarquables financiers de son temps, Paris-Duverney, Beaumarchais