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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/110

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BEAUMARCHAIS.

Mais voici qui, mieux encore, va déceler « l’homme d’argent » : c’est son goût artistique. Il avait fait construire une belle maison qui était une des curiosités de la capitale : les étrangers de passage à Paris venaient, tous, la visiter, et l’on pense bien que le propriétaire n’était pas d’humeur à fermer sa porte. Elle a été démolie en 1818. Mais on en possède la description et l’inventaire. On peut donc connaître l’esthétique de Beaumarchais : c’était l’esthétique de ces fermiers généraux qui ont été, au siècle dernier, les véritables initiateurs du bric-à-brac moderne, esthétique d’enrichi qui entasse dans son logis les objets d’art de tous les temps et de tous les styles. Dans cette maison, pêle-mêle, on voyait des statues antiques, des paysages d’Hubert Robert, des cariatides italiennes, des marqueteries françaises, etc., et dans le jardin des pelouses à l’anglaise, des berceaux, des temples grecs, des ponts chinois ornés de clochettes. Aujourd’hui cette façon d’entendre la décoration est si bien d’accord avec le goût général, que sa paradoxale incohérence ne nous choque presque plus. Mais, au xviiie siècle, elle n’était pas encore tombée dans le domaine public. Les financiers en conservaient le désastreux privilège. Avec ses bibelots de prix et son luxe disparate, la maison de Beaumarchais trahissait les sentiments et les ambitions de celui qui en avait conçu le plan et dirigé l’ornement.