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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/127

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Figaro.

toute son imagination, tout son esprit et tout son cœur.

« Supposez les fruits du souvenir ! » disait Beaumarchais pour défendre les hardiesses qu’on reprochait à sa Folle journée. Il disait vrai. Tout est souvenirs dans ses comédies. — Souvenirs d’adolescence ! Nous avons vu Beaumarchais à treize ans confiant à ses sœurs l’histoire de sa première passion, et jouant au naturel Chérubin, Cherubino d’amore, « le page vif, espiègle et brûlant, comme tous les enfants spirituels » ! — Souvenirs de la cour ! C’est à Versailles qu’il a appris le métier de courtisan, soit en le pratiquant pour soi-même, soit en déjouant ceux qui le voulaient pratiquer à ses dépens, métier dont Figaro donne le secret en ces trois mots célèbres : « Recevoir, prendre et demander ». — Souvenirs d’Espagne ! C’est de Madrid qu’il a rapporté les noms, les costumes de ses personnages, et aussi les airs de séguedilles qu’ils chantent. — Souvenirs du Palais de Justice ! C’est à l’audience qu’il a, d’après nature, crayonné Bridoison, comme Doublemain, et ses ressentiments de plaideur lui ont inspiré la fameuse tirade sur les excès de parole où s’emportent les avocats et qui « dégradent le plus noble institut »… On pourrait, de la sorte, presque à chacune des scènes du Barbier ou du Mariage, surprendre l’écho des colères et des rancunes de Beaumarchais ; et c’est bien là ce qui donne à son œuvre l’accent de la vie, l’éloquence de la passion.