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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/162

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BEAUMARCHAIS.

ques de son époque. Il est bien d’un temps où des financiers placent dans leurs maisons « l’Autel de la Bienfaisance », et élèvent dans leurs jardins « le Temple de l’Honneur », où, pour le plaisir de montrer la beauté de son âme, tout le monde pleure, sanglote, se pâme, s’évanouit et s’embrasse. Il est, à la façon de ses contemporains, « bon, sensible et vertueux ». Il doit donc partager leur engouement pour un théâtre tout d’effusions et de larmes. Richardson est le maître de toutes les imaginations et c’est lui que Beaumarchais invoque dans l’Essai qu’il place en tête de son Eugénie.

Une autre raison le rattache encore à l’école de Diderot. Le drame, c’est la protestation littéraire de la bourgeoisie, devenue riche et puissante, contre l’aristocratique tragédie, dont les seuls personnages sont des princes et des seigneurs. M. Jourdain et George Dandin sont las de figurer dans des comédies où toujours on les berne. Beaumarchais, fils d’un horloger, élève de Paris-Duverney, et qui a pâti de l’insolence des grands, n’est pas fâché d’attendrir le parterre sur les vertus et les infortunes des gens de sa classe. Il a écrit les Deux Amis « pour honorer, dit-il, les gens du tiers état » ; et quand il veut défendre le drame, il répond ironiquement à ses critiques dans la Préface du Barbier : « Présenter des hommes d’une condition moyenne, accablés et dans le malheur, fi donc ! On ne doit