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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/163

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SES MÉMOIRES ET SON THÉÂTRE.

jamais les montrer que bafoués. Les citoyens ridicules et les rois malheureux, voilà tout le théâtre existant et possible, et je me le tiens pour dit ; c’est fait ; je ne veux plus quereller avec personne. »

Après Diderot, et en se séparant de lui sur quelques points, il esquisse une poétique du « genre dramatique sérieux ». Les considérations dont il fait précéder Eugénie ont l’allure d’une sorte de manifeste.

Il ne veut pas qu’on lui objecte les règles, « épouvantait des esprits ordinaires ». En quel genre a-t-on vu les règles produire les chefs-d’œuvre ? Il est temps d’« intéresser un peuple et de faire couler ses larmes sur un événement tel qu’en le supposant véritable et passé sous ses yeux entre des citoyens, il ne manquerait jamais de produire son effet sur lui ». La tragédie est immorale parce qu’elle est dominée par la fatalité. Ses personnages « fastueux », rois et héros, ne sont que des « pièges tendus à notre amour-propre ». L’éclat du rang n’ajoute rien à la pitié que nous inspirent leurs malheurs. « Plus l’homme qui pâtit est d’un état qui se rapproche du mien et plus son malheur a de prise sur mon âme. » Les révolutions d’Athènes et de Rome ne sauraient donc intéresser « le sujet paisible d’un État monarchique du xviiie siècle ». Au contraire, le « Drame touchant puisé dans nos mœurs » l’émeut et l’attendrit. Le spectacle de la vertu persécutée, mais