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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/38

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BEAUMARCHAIS.

ne les eût poussés sur son chemin, c’est Bertrand, un agioteur usurier ; c’est Arnaud Baculard, un romancier sentimental et larmoyant ; c’est enfin Marin, censeur et rédacteur de la Gazette de France. Ce dernier, Provençal tempétueux et retors, s’est d’abord entremis pour arranger l’affaire, étant l’ami de tout le monde, comme Sosie, puis il a pris délibérément le parti de Goëzman. À la première attaque, il veut riposter, citer les poètes persans et faire des calembours ; il est perdu.

L’opinion avait passé à Beaumarchais. Louis XV s’amusait à lire les fameux mémoires. Mme du Barry faisait jouer dans les petits appartements la scène de la confrontation de Mme Goëzman. Voltaire, qui avait soutenu Maupeou contre les anciens Parlements, sentait le moment venu de déserter. Il écrivait à d’Argental : « J’ai lu tous les mémoires de Beaumarchais (les trois premiers) et je ne me suis jamais tant amusé. J’ai peur que ce brillant écervelé n’ait au fond raison contre tout le monde. Que de friponneries, ô ciel ! Que d’horreurs ! Que d’avilissement dans la nation ! Quel désagrément pour le Parlement ! » Et Bernardin de Saint-Pierre présageait à l’auteur des Mémoires « la réputation de Molière ».

Lorsque parut le quatrième mémoire, l’enthousiasme fut encore plus grand dans le public. Six mille exemplaires se vendirent en trois jours. On le