Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/172

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Aristote dans ce passage distingue les jugements où il n’y a que deux éléments : ἔστιν ἄνθρωπος, et ceux où il y en a trois : ἔστι δίκαιος ἄνθρωπος. Mais ce dernier jugement paraît bien signifier : « il existe un homme juste ». Il est vrai qu’on passe peu après à ce jugement : πᾶς ἐστὶν ἄνθρωπος δίκαιος, où ἐστί ne peut plus signifier exister. Mais tout ce qu’on peut conclure de là c’est qu’Aristote mêle très confusément les deux sens du verbe être[1]. — Ainsi Aristote n’a pas bien vu comment l’acte d’affirmer ou de nier s’exprime dans le langage, et cela implique peut-être qu’il n’a pas eu une conscience aussi haute que possible de l’hétérogénéité de l’acte d’affirmer par rapport aux éléments qu’il assemble, c’est-à-dire en somme de l’indépendance du sujet pensant. Quoi qu’il en soit de cette nuance subtile, Aristote a su pourtant dégager, sinon l’expression de cet acte, du moins l’acte qui constitue essentiellement l’unité du jugement dans l’esprit.

De ce caractère du jugement, qu’il est une affirmation ou une négation, un dernier caractère découle qui achève de définir le jugement et de l’opposer à l’intuition, surtout à l’intuition intellectuelle. Une affirmation, c’est-à-dire la position d’un rapport entre un prédicat et un sujet, est vraie ou, aussi bien, fausse. Si l’idéal est de penser par intuition, par natures simples, sans multiplicité, c’est que dans cette pensée simple et non pas composée il n’y a pas place pour l’erreur. Au contraire l’affirmation, ou, si l’on veut, plus généralement la déclaration, l’ἀπόφανσις, étant l’unité d’une multiplicité, est sujette à faillir. Qu’est-ce que la vérité et l’erreur en effet ? Dire vrai, c’est dire que ce qui est est, et que ce qui n’est pas n’est pas[2]. En d’autres termes, la vérité c’est la conformité de la pensée avec les choses. Mais, lorsque la pensée porte sur une nature simple, comme elle ne peut

  1. Telle est l’opinion de Waitz (Org. I, 345, s. med. et sq.) dans son commentaire de ce passage assez obscur. Sur tout ceci, voir Zeller, p. 221, n. 2.
  2. Métaph. Γ, 7, 1011 b, 25 : δῆλον δὲ πρῶτον μὲν ὁρισαμένοις τί τὸ ἀληθὲς καὶ ψεῦδος. τὸ μὲν γὰρ λέγειν τὸ ὂν μὴ εἶναι ἢ τὸ μὴ ὂν εἶναι ψεῦδος, τὸ δὲ τὸ ὂν εἶναι καὶ τὸ μὴ ὂν μὴ εἶναι ἀληθές…