Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/173

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pas saisir cette nature simple autrement que tout entière si elle la saisit, il est impossible que la pensée mette ici du sien ; elle est forcément conforme à la chose (Métaph. Θ, 10). Si au contraire la pensée porte sur un objet qui se divise en elle, il pourra se faire que la pensée ne rapproche pas les morceaux de l’objet comme ils sont unis dans l’objet. Toute pensée qui procède par affirmation et négation est donc sujette à l’erreur : elle n’atteindra la vérité que si elle reproduit dans les liaisons qu’elle établit les liaisons des choses. Mais il faut ajouter ici une contre-partie. Si la pensée composée, qui procède par affirmation et négation, est au-dessous de la pensée simple parce que l’affirmation et la négation ouvrent la porte à l’erreur, en revanche cette même pensée composée, qui affirme ou nie, est au-dessus de la pensée composée qui ne fait encore ni l’un ni l’autre. Cette dernière espèce de pensée est au-dessous de la vérité et de l’erreur. Le bouc-cerf est une pensée composée ; mais, si l’on n’y ajoute aucun verbe, cette pensée, à la différence d’un jugement, n’est ni vraie ni fausse[1]. Ce caractère de comporter l’erreur, mais aussi la vérité, achève de définir la place moyenne qu’occupe le jugement au-dessous de l’intellection et au-dessus de la sensation.

Après avoir essayé d’apercevoir quelque chose de la nature intime du jugement selon Aristote, il nous reste, nous plaçant désormais à un point de vue plus extérieur, à étudier les différentes sortes de propositions et les différentes sortes d’opérations qu’on peut faire sur elles. Toutefois nous écarterons, pour maintenant du moins, tout ce qui a trait à la modalité des propositions. Cette élimination faite, nous n’aurons en somme à parler des propositions qu’à deux points de vue : celui de la qualité et celui de la quantité.

Commençons par une remarque de vocabulaire. Nous avons observé plus haut qu’Aristote n’avait point de terme qui correspondît exactement à notre mot de juge-

  1. Hermen. 1, s. fin. : καὶ γὰρ ὁ τραγέλαφος σημαίνει μέν τι, οὔπω δὲ ἀληθὲς ἢ ψεῦδος, ἐὰν μὴ τὸ εἶναι ἢ μὴ εἶναι προστεθῇ, ἢ ἁπλῶς ἢ κατὰ χρόνον.