Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/240

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est utile, le vice est nuisible) », ou : « Quand la définition ne convient pas à tout le défini, l’attribut (la définition) ne convient pas au sujet (le défini) », nous aurons ce qu’Aristote appelle des lieux (τόποι). Aristote n’a point défini le « lieu » dans son livre sur la dialectique. Mais il l’a défini en matière de rhétorique, et, malgré certaines différences, l’analogie est étroite entre la dialectique et la rhétorique. Un lieu, dit-il dans la Rhétorique, est ce en quoi coïncident une multitude de raisonnements oratoires, c’est-à-dire leur source commune. Théophraste dit d’ailleurs plus clairement : « Le lieu est un principe ou élément, dans lequel, lorsque nous y appliquons notre réflexion, nous puisons des principes [c’est-à-dire des prémisses] applicables à des objets particuliers ; le lieu est quelque chose de déterminé, en tant qu’il est une circonscription [c’est-à-dire une classe], mais, relativement aux objets particuliers, il est indéterminé[1] ». Pour réduire la dialectique en art, la principale chose à faire, comme on voit, était de la ramener tout entière à certains « lieux », groupés autour de certains chefs. On comprend maintenant quel est en gros le contenu de l’ouvrage consacré par Aristote à la dialectique, et, en même temps, on voit pourquoi cet ouvrage s’appelle les Topiques.

Ces indications données, revenons à la définition de la dialectique et tâchons devoir quel jour elle projette sur les idées d’Aristote relativement à la théorie de la connaissance. La conception aristotélicienne de la dialectique exprime, par opposition, une conception déjà très mûre et, en un sens, définitive de la science, une conception qui peut pécher encore, sans doute, par étroitesse et surtout par cette intransigeance qui s’attache d’ordinaire aux conceptions nouvelles, mais une conception dans laquelle le caractère le plus

  1. Aristote, Rhét. II, 26, 1403 a, 18 : τὸ γὰρ αὐτὸ λέγω στοιχεῖον καὶ τόπον· ἔστιν γὰρ στοιχεῖον καὶ τόπος, εἰς ὃ πολλὰ ἐνθυμήματα ἐμπίπτει. Cf. Bonitz, Ind. 767 a, 51, où la référence à Théophraste est indiquée. Voici la définition de celui-ci : ἔστι γὰρ ὁ τόπος ἀρχή τις καὶ στοιχεῖον ἀφ’ οὗ λαμβάνομεν τὰς περὶ ἔκαστον ἀρχάς, ἐπιστήσαντες τὴν διάνοιαν, τῇ περιγραφῇ μὲν ἐρισμένως, τοῦ δὲ καθ’ ἔκαστα ἀορίστως (Alex. Top. 5, 2126 ; 426, 13, éd. Wallies (Schol. 252 a, 12]).