Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

signalé, mais qui, tout au fond de sa pensée, a pour lui presque autant d’importance que pour les Platoniciens. Plotin, comme on sait, s’est plu à nommer la matière le multiple, πολλά. Or, dans le passage du livre Λ de la Métaphysique où nous l’avons vu (p. 265) déclarer que la substantialité de la matière n’est qu’un prestige de l’imagination, Aristote ajoute tout de suite que ce qui caractérise la matière et le sujet, c’est d’être un assemblage et de n’avoir pas d’unité naturelle : ὅσα γὰρ ἐστιν ἁφῇ καὶ μὴ συμφύσει, ὕλη καὶ ὑποκείμενον[1].

Après ce que nous venons de dire de la matière, nous sommes dispensés d’insister longuement sur la forme, puisque les deux choses sont corrélatives et que la science des opposés est une. Dans le changement, la forme est ce que la matière devient[2]. Au point de vue de l’analyse statique, la forme est le déterminé[3] et, dans les choses abstraites, elle est la différence[4]. Pour retourner au devenir, elle est l’acte[5]. Au point de vue de la connaissance, elle est le connaissable par soi[6]. Au point de vue de l’être, elle est ce qu’il y a de plus réel[7]. Enfin, si elle est ce qu’il y a de plus réel aux yeux d’Aristote, cela résulte en quelque sorte de la définition même de la philosophie conceptualiste. Tandis que la matière est le multiple, le dispersé, la forme est ce qui existe réellement parce que ce n’est point un assemblage de parties. En un mot la forme, qui est déjà quelque chose de l’esprit, est, comme une for-

  1. Voir aussi le texte, cité 21e leçon de Λ, 8, 1074 a, 33.
  2. ὅ ποτε ἐκείνη [ἡ ὑλη] γίγνεται, ὂ γίγνεται, εῖς ὅ. Voy. les textes dans Zeller, p. 314, n. 2.
  3. Phys. III, 7, 207 a, 33 : περιέχεται γὰρ ὡς ἡ ὕλη ἐντὸς καὶ τὸ ἄπειρον, περιέχει δὲ τὸ εἶδος. Cf. De Caelo, IV, 4, 312 a, 12.
  4. Phys. I, 4, 187 a, 19 : … διαφορὰς καὶ εἴδη. De part. an. I, 3, 643 a, 24 : ἔστι δ’ ἡ διαφορὰ τὸ εἶδος ἐν τῇ ὕλῃ. Voir supra, p. 263, n. 2.
  5. Métaph. Θ, 8, 1050 b, 2 : φανερὸν ὅτι ἡ οὐσία καὶ τὸ εἶδος ἐνέργειά ἐστιν. Cf. Zeller, p. 318, n. 4.
  6. Ibid. Γ, 5, 1010 a, 25 : … κατὰ τὸ εἶδος ἅπαντα γιγνώσκομεν. Cf. Bonitz, Ind. 219 a, 33-37.
  7. Par ex. Métaph. Z, 3, 1029 a, 5 : … εἰ τὸ εἶδος τῆς ὕλης πρότερον καὶ μᾶλλον ὄν, καὶ τοῦ ἐξ ἀμφοῖν [le composé de matière et de forme, τὸ σύνολον] πρότερον ἔσται διὰ τὸν αὐτὸν λόγον.