changement, c’est la matière. Et les Physiologues étaient évidemment dans la même conviction, puisque ce qu’ils appelaient la nature de toutes choses, c’était le corps dans lequel se résolvent les autres (ibid. 193 a, 9-28). Il est visiblement facile d’objecter à Antiphon qu’il ne peut mettre une forme artificielle sur le même pied qu’une forme naturelle (ibid. 193 b, 8-12[1]). Et il est évident aussi qu’Aristote ne manque pas de bonnes raisons pour réfuter le matérialisme des Physiologues. Mais il y a bien autre chose à dire, du point de vue aristotélicien, en faveur de la conception de la nature comme matière. Puisque la nature est un principe de mouvement, il faut bien qu’elle s’applique à un mobile. C’est même là la raison profonde pour laquelle les objets sur lesquels porte la physique sont des corps et des corps concrets. En effet, un mobile est forcément quelque chose d’étendu ; cela résulte, comme nous le comprendrons tout à l’heure, de la notion du mouvement. De plus c’est un étendu d’une autre espèce que les lignes, les surfaces et les volumes mathématiques, précisément parce qu’on ne fait pas mouvoir des limites sans contenu[2]. Ce n’est pas tout : la nature n’est pas seulement dans le mobile ; elle est forcément un aspect de ce mobile. Car il n’y a point de mouvement sans mobilité, et, pour que la nature soit la cause suffisante en même temps que nécessaire du mouvement, il faut que la mobilité soit en elle, qu’il y ait en elle de la puissance, en un mot qu’elle ait, et même qu’elle soit de la matière. — D’autre part, bien entendu, comme Aristote se plaît à l’établir, la nature est forme. Le mouvement est la réalisation d’une forme, et c’est seulement
- ↑ Passage délicat, dans lequel il faut, à la ligne 11, supprimer le mot τέχνη, que Thémistius (163, 18 Sp.) et Philopon (209, 31 Vitelli) ne commentent pas, et qui est d’ailleurs absent du texte, tel que le cite Simplicius (P. 278, 30 D.). Le même commentateur a certainement lu (278, 11) les mots ὅτι γένοιτ’ ἄν… ξύλον (b, 10 sq.), que Prantl met h tort entre crochets sur la seule autorité du ms. E. Enfin, avec tous les mss. sauf E, il faut lire à la l. 12 γίνεται γὰρ, leçon confirmée expressément par Simplicius (277, 20), et non γίνεται γε.
- ↑ Voir Zeller, p. 384, n. 3 et p. 385, n. 1, 2, 3.