Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/322

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sance[1] ». La définition exprime d’abord excellemment le caractère d’indétermination, de fluctuation et de demi-réalité du changement[2]. Mais pourquoi le mouvement est-il ainsi quelque chose d’inachevé ? Sans doute c’est parce qu’il est un passage. C’est aussi parce que ce passage est continu et, partant, enveloppe l’infini. L’infinité le condamne à être une puissance qui ne peut pas avoir d’autre acte que de se développer comme puissance. De ce côté encore Aristote tend, malgré lui, vers l’idéalisme. Quelle que soit d’ailleurs la conclusion dernière qu’il faille donner à son analyse du changement, que ce phénomène comporte ou non une existence autre que mentale, toujours est-il qu’Aristote en a dégagé l’essence avec une pénétration et une logique parfaites. Le changement est bien le passage progressif et continu qu’il a dit.

Pour achever la théorie générale du changement dans ce qu’elle a de proprement physique, il ne nous reste plus qu’à exposer la division de ce phénomène en ses diverses espèces. Nous avons jusqu’ici employé comme synonymes les mots de changement et de mouvement et c’est là une manière de faire dont Aristote lui-même donne l’exemple[3]. Cependant, lorsque ces mots sont considérés dans leur usage vraiment technique, ils n’ont plus le même sens. Le mot de changement est un terme générique qui comprend le changement proprement dit et les différentes espèces de mouvement. Tandis que le mouvement se déroule toujours entre des contraires et, par conséquent, dans l’enceinte d’un même genre, le changement a lieu entre des termes bien plus radicalement opposés : il a lieu entre l’être et le néant. En d’autres termes, le changement porte sur la production ou la destruction d’une substance. Aristote l’appelle génération et corruption (γένεσις καὶ φθορά).

  1. 204 a, 10 : … ἡ τοῦ δυνάμει ὄντος ἐντελέχεια, ᾗ τοιοῦτον, κίνησίς ἐστιν… b, 4 : … ἡ τοῦ δυνατοῦ, ᾗ δυνατόν, ἐντελέχεια φανερὸν ὅτι κίνησίς ἐστιν. Cf. Zeller, p. 351, n. 1 et 353, n. 1.
  2. Phys. III, 2, 201 b, 31 : … ἥ τε κίνησις ἐνέργεια μὲν τις εἶναί δοκεῖ, ἀτελὴς δέ.
  3. Voir dans Zeller, p. 352, n. 3, l’indication de divers textes où Aristote donne à κίνησις le sens de μεταβολή (p. ex. Phys. III, 1, 201 a, 9-19), ou bien emploie ces deux mots comme synonymes.