Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/369

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natures. Une sphère sidérale ne peut se mouvoir que circulairement, et deux principes moteurs immanents semblent de trop. La seule ressource est de dire, avec Alexandre[1], que la nature n’est ici que puissance par rapport à l’âme, et que celle-ci est seule le principe vraiment actuel du mouvement, du moins au point de vue de l’immanence.

Il s’en faut de beaucoup cependant que le mouvement des sphères ne soulève pas de difficulté plus troublante que celle-ci. On sait que, pour Aristote, le moteur des sphères est, en fin de compte, un moteur immobile. Faut-il entendre qu’il y a, outre le premier moteur immobile, d’autres moteurs qui, comme lui, ne se mouvraient absolument pas, même par accident, et qu’un tel moteur serait attaché à chaque sphère ? Malgré la peine qu’on éprouve, lorsqu’on admet ainsi 56 moteurs transcendants, à comprendre comment il n’y a pourtant qu’un seul d’entre eux, celui du premier ciel, qui mérite pleinement le titre de Dieu, c’est pourtant peut-être à cette interprétation qu’il faut s’en tenir. En effet elle a été classique chez les commentateurs d’Aristote, et, si Alexandre, dans le passage que nous avons cité, ne nous indique pas très clairement comment les moteurs secondaires reçoivent du premier leur achèvement et leur bien, peut-être trouverait-on plus de lumière dans cet endroit du VIIIe livre de la Physique (259 b, 28), où Aristote distingue les moteurs immobiles, accidentellement mus par eux-mêmes, et les moteurs immobiles, accidentellement mus par un autre ou par d’autres moteurs. On comprendrait que ce mouvement accidentel, dont ne peuvent s’affranchir les 55 moteurs subordonnés, moteurs dont chacun est plus esclave à mesure qu’il est plus inférieur, pût suffire à hiérarchiser les moteurs en question par rapport à Dieu et entre eux. Et cela expliquerait que, dans le même chapitre de la Physique (259 a, 12), Aris-

  1. Ou le Pseudo-Alexandre, Metaph. 706, 31-707, 1 Hayd., 682, 4-10 Bonitz, surtout : … ἔχουσιν ἀπὸ μὲ τῆς φύσεως αἱ σφαῖραι τὴν αὐτοφυᾶ καὶ ἀβίαστον καὶ κατ’ αὐτὸ τὸ εἶδος ἐπιτηδειότητα πρὸς τὸ κινεῖσθαι, ἀπὸ δὲ τῆς ψυχῆς τὴν μεταβατικὴν ἐνέργειαν, πρὸς ἣν πεφύκασι διὰ τὴν φύσιν.