Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/370

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tote ait écrit cette affirmation décidée, dont on ne trouve pas l’équivalent au 8e chapitre du livre Λ de la Métaphysique : ἱκανὸν δὲ καὶ ἕν[1].

Quittons maintenant le monde sidéral pour passer au monde sublunaire. Deux caractères très généraux de ce monde inférieur doivent d’abord être signalés. Le premier est que la part du changement et même du désordre y est considérablement plus grande que dans le monde sidéral. Aristote avait été vivement frappé de la régularité des mouvements célestes : témoin le passage du IIe livre de la Physique (4, 196 b, 2) où il reproche à Démocrite d’avoir regardé le ciel comme s’étant constitué au hasard, alors que, au contraire, on voit bien, dit Aristote, qu’il y a du hasard ailleurs, tandis que manifestement il n’y en a aucun dans les événements du ciel. Si les moteurs célestes sont des êtres spirituels, cela n’entraîne nullement qu’il y ait de la contingence dans leur manière d’agir. Leur manière d’agir est parfaitement simple, et elle consiste à actualiser dans le mobile la seule puissance que ce mobile enveloppe, celle de se mouvoir localement, et encore de la seule translation circulaire. Il ne faut donc redouter ou chercher aucune indétermination dans les phénomènes sidéraux[2].

  1. Zeller, il est vrai, adopte une autre interprétation (p. 456, n. 1). Selon lui, les moteurs des sphères ne sont pas autre chose que leurs âmes. — Mais, d’une part, les moteurs des sphères seraient alors mus accidentellement par eux-mêmes, et nous venons de voir qu’Aristote paraît bien penser que les moteurs des sphères subordonnées ne sont mus accidentellement que par autre chose. D’autre part, et surtout, si les moteurs étaient des âmes, celui du premier ciel serait aussi une âme ; ou du moins, à supposer que, en raison de son excellence propre, on fût autorisé à lui faire un sort spécial et à le regarder comme seul transcendant parmi les moteurs, le premier ciel ne devrait pas avoir, outre ce moteur, une âme et Aristote ne devrait pas parler, pour le premier ciel, d’une existence bienheureuse distincte de celle de Dieu (cf. Zeller, p. 464, n. 4). Malgré la simplification et la clarté que l’interprétation de Zeller introduirait dans la doctrine des moteurs, il semble donc malaisé de l’admettre et l’interprétation classique reste comme la plus probable.
  2. Voir G. Rodier, Sur la cohérence de la morale stoïcienne, Année philos. 1904 (XV, 1905), p. 3. — Aristote appelle ὕλη τοπικὴ