Au contraire les phénomènes sublunaires admettent beaucoup d’indétermination, et c’est à eux que songe Aristote lorsqu’il écrit la phrase célèbre : ἐν δὲ τούτοις [sc. τοῖς αἰσθητοῖς] πολλὴ ἡ τοῦ ἀορίστου φύσις (Métaph. Γ, 5, 1010 a, 3). Non seulement il y a dans une chose physique terrestre une grande part de matière, c’est-à-dire un grand nombre de possibilités diverses, ce qui rend les phénomènes physiques terrestres extrêmement compliqués ; chaque possibilité est encore plus ou moins limitée par la concurrence de la possibilité opposée, tellement même que parfois, la possibilité négative se développant au détriment de l’autre, au lieu du résultat normal et attendu c’est un monstre qui est produit. En un mot, le déterminisme est si relâché dans le monde sublunaire que ce n’est plus de nécessité qu’il y faut parler, mais seulement d’une constance approchée, de ce ὡς ἐπὶ τὸ πολύ, si différent de ce que sera plus tard pour les Stoïciens l’ordre absolument déterminé de la nature[1]. Fussent-ils absolument réguliers d’ailleurs, les phénomènes terrestres resteraient toujours beaucoup plus changeants que les phénomènes célestes. La translation suivant les contraires dans le lieu, l’altération, l’accroissement et le décaissement, exclus par la nature de l’éther, sont, par contre, impliqués dans la nature des éléments inférieurs ; et, par dessus tous ces mouvements, les choses sublunaires supposent encore la génération et la corruption. Ici ce ne sont plus les événements ou phénomènes seuls qui sont en jeu : ce sont les substances mêmes. Les substances du monde sublunaire naissent et périssent ; elles sont, par définition, des substances sensibles périssables. — Le second caractère très général qu’il faut relever au sujet des choses d’ici-bas, c’est que, tandis que dans le monde sidéral il n’y a, même parmi les substances sensibles, que des êtres animés, il y a sur la terre un
- ↑ Les textes sont réunis dans Waitz, Org. I, 378 et 408 (ad 25 b, 14 et 32 b, 19). Cf. en outre Bonitz, Metaph. II, p. 288 (ad 1026 b, 24). Voir aussi supra, p. 240, n. 1.
cette unique puissance qui subsiste encore dans les êtres sidéraux : cf. Métaph. II, 1, 1042 b, 5-7.