Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autant à propos du second caractère fondamental de l’être en tant qu’être. On a quelquefois été tenté de considérer sa nature comme très abstraite, et le fait est qu’Aristote n’a peut-être pas assez fait ressortir combien, dans sa pensée, l’être en tant qu’être est loin de ressembler à l’être de Parménide ou à l’Idée de Platon. En dépit de tendances contraires, l’Idée de Platon est d’autant plus réelle qu’elle est plus générale, c’est-à-dire plus vide. La forme d’Aristote est au contraire quelque chose de concret ; car l’espèce a plus d’être que le genre[1]. Dieu, être simple, c’est-à-dire sans parties, comme eût avec raison commenté Leibnitz, n’est pas pour cela un être sans attributs. C’est au contraire l’être souverainement réel[2]. Reste enfin un dernier caractère de l’être en tant qu’être, qui suppose les deux autres et les dépasse en excellence et en signification : l’être des êtres, c’est l’esprit[3]. Non seulement Aristote l’affirme, mais il a au moins le sentiment, sinon l’idée adéquate, de la portée de son affirmation. Sans doute il a dit quelque part que la pensée, c’est les pensées[4], ce qui paraîtrait ramener le sujet à l’objet, même après qu’il n’est plus question d’une dualité de l’intelligible et

  1. Cat. 5, 2 b, 7 : τῶν δὲ δευτέρων οὐσιῶν μᾶλλον οὐσία τὸ εἶδος τοῦ γένους· ἔγγιον γὰρ τῆς πρώτης οὐσίας ἐστίν.
  2. Il l’est en tant que forme pure et acte pur, fin suprême et bien suprême, et c’est pourquoi il se suffit à lui-même (cf. p. 406, n. 1). Cf. Métaph. Λ, 1, 1072 a, 27 : ce qui est souverainement et immédiatement intelligible et désirable, autrement dit ce qui a le plus d’être, est une seule et même chose : τούτων τὰ πρῶτα τὰ αὐτά. a, 31 sq. : … ταύτης [sc. τῆς συστοιχίας τῆς νοητῆς καθ’ ἑαυτήν] ἡ οὐσία πρώτη, καὶ ταύτης [sc. τῆς οὐσίας ἡ μάλιστα πρώτη] ἡ ἁπλῆ καὶ κατ’ ἐνέργειαν. 34-b, 1 : dans la même série se trouvent le bien et le désirable par soi, καὶ ἔστιν ἄριστον αἰεὶ ἢ ἀνάλογον τὸ πρῶτον. b, 10 sq. : ἐξ ἀνάγκης ἄρα [au sens de τὸ μὴ ἐνδεχόμενον ἄλλως ἀλλ’ ἁπλῶς, 13] ἐστὶν ὄν· καὶ ᾗ ἀνάγκῃ, καλῶς, καὶ οὕτως ἀρχή.
  3. Ibid. 9, 1074 b, 33 : … τὸ ἄριστον ἡ νόησις [lorsque, au lieu d’être, comme en nous, l’actualisation d’une puissance, elle est la pensée immédiatement actuelle]. αὑτὸν ἄρα νοεῖ [sc. ὁ νοῦς], εἴπερ ἐστὶ [sc. ὁ νοῦς] τὸ κράτιστον, καὶ ἔστιν ἡ νόησις νοήσεως νόησις. 1075 a, 3 : οὐχ ἑτέρου οὖν ὄντος τοῦ νοουμένου καὶ τοῦ νοῦ, ὅσα μὴ ὕλην ἔχει, τὸ αὐτὸ ἔσται καὶ ἡ νόησις τῷ νοουμένῳ μία.
  4. De an. I, 3, 407 a, 7 : ἡ δὲ νόησις τὰ νοήματα.