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Page:Hamelin - Le Système de Renouvier, 1927.djvu/15

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Peut-être y a-t-il une nuance entre les deux ouvrages en ce sens que le second marquerait peut-être une maturité un peu plus grande dans les notions de la liberté et de la croyance. Mais la nuance est fugitive et nous pouvons en croire M. Renouvier quand il dit (Esquisse…, II, 369) que son état mental n’était en rien changé quand il publia, en 1844, le résumé de ses études sur les philosophies de l’antiquité. Nous userons donc au besoin du Manuel de Philosophie ancienne pour compléter les renseignements que nous donnera le Manuel de Philosophie moderne. Celui-ci contient dans sa deuxième partie, intitulée Doctrine, par opposition à la première qui s’intitulait Histoire, une exposition élaborée de la méthode, du contenu et de l’histoire de la philosophie tels que M. Renouvier les concevait à cette époque.

Quelques mots sont nécessaires pour indiquer sommairement les circonstances intellectuelles à la suite ou au milieu desquelles s’était formée chez lui cette conception. Il était né dans une famille libérale dont les opinions n’ont sans doute pas nui à la constitution des siennes. Mais, s’il faut ainsi reconnaître une influence sur sa pensée à la première et à la plus sûrement efficace des éducations, nous savons par des déclarations personnelles qu’il ne doit rien, ni directement, ni par réaction, à l’éducation dont on aurait attendu le plus d’effet sur lui après celle-là : brillant élève de rhétorique, il assiste passivement au cours de philosophie professé au collège Rollin par Charles Poret, un honorable disciple des Écossais. On pense bien, et il nous dit lui-même, qu’il ne manquait pas de goût pour les idées générales. Seulement, il avait été mis à même d’en puiser à une autre source que la philosophie universitaire. Son frère aîné, Jules Renouvier, avait été un des premiers disciples de Saint-Simon. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait passé son temps en classe à lire le Globe plutôt qu’à écouter son professeur. Quelque honorable solidité que pût présenter l’enseignement de M. Poret, il est clair que cet enseignement ne vivait pas d’une vie toute contemporaine comme le saint-simonisme, et n’était pas propre à exciter l’enthousiasme comme la doctrine à la fois brutale et mystique de Saint-Simon. D’ailleurs, s’il manquait beaucoup au saint-simonisme pour constituer une éducation philosophique