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Page:Hamelin - Le Système de Renouvier, 1927.djvu/16

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complète, il est certain qu’il recélait plus de force de pensée que la philosophie éclectique. M. Renouvier en a bien jugé ainsi alors qu’il en était venu à regarder le saint-simonisme d’un œil hostile. Car lorsque, dans l’Année philosophique de 1867, il se demanda où il fallait chercher la philosophie française au xixe siècle, il répondit qu’il fallait la chercher dans les sectes[1], ce qui, à coup sûr, garantissait une belle part à la secte de Saint-Simon. M. Renouvier subit donc profondément l’influence du saint-simonisme. Sans parler d’habitudes de penser socialistes que nous retrouverons dans le Manuel républicain, il lui doit, à un point de vue strictement spéculatif, le goût des doctrines systématiques, goût que nous allons voir à l’œuvre tout à l’heure. Et s’il est vrai qu’il réussit à s’émanciper de bonne heure de la lettre et même de l’esprit du saint-simonisme, on ne doit pas s’exagérer la rapidité et l’intégralité de cette émancipation. Car il déclare dans l’Esquisse (II, p. 358) que « cette folie ne dura pas jusqu’à la vingtième année », mais qu’elle lui laissa « un goût maladif pour les synthèses absolues », et nous lisons dans le Manuel de philosophie moderne, p. 408, que Saint-Simon a été un des prophètes de notre temps et qu’il ne lui a manqué peut-être que quelques années de vie pour épurer et pour fixer sa doctrine.

À côté de l’influence saint-simonienne, une autre influence qui s’y accommodait excellemment, et pour cause, s’exerça aussi sur M. Renouvier dans ce temps, et laissa en lui des traces plus profondes encore et plus durables. Mais avant de parler de cette nouvelle influence philosophique, il faut signaler ici, puisqu’il nous fournit la transition naturelle, un autre facteur préparatoire du développement de toute la pensée de Renouvier. Nous voulons parler de la culture scientifique, ou plutôt de la culture scientifique par excellence, de la culture mathématique. Nous aurons sans doute plus d’une fois l’occasion de retrouver les effets profonds et bienfaisants que cette culture eut sur lui et

  1. « Ce que nous appelons la philosophie des Sectes est en même temps la philosophie dominante de notre époque. » L’Année philosophique, 1re année, 1867, De la philosophie du xixe siècle en France, p. 88.