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Page:Hamelin - Le Système de Renouvier, 1927.djvu/25

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devons-nous prendre ? Le premier serait de faire un choix entre les contradictoires. Mais, puisque la raison les autorise tous les deux à la fois, si nous n’en prenons qu’un, nous nous détournons d’une des faces de la raison, c’est-à-dire de la raison elle-même. Préférons-nous un second parti, celui du scepticisme, ou plus exactement de la docte ignorance, et disons-nous : Je sais que je ne sais rien ? Mais le philosophe est un homme et il ne peut pas renoncer à la pensée vivante et agissante. Un seul recours nous reste, c’est de nous jeter une seconde fois entre les bras de la croyance et de fonder sur elle la conciliation des contraires par laquelle nous seront rendus le savoir et la réalité. Puisqu’on ne peut les fonder exclusivement sur l’être, il faut invoquer aussi le néant et « repousser très loin la vieille logique dont le principe est qu’une chose ne peut pas être et n’être pas en même temps » (389).

On devine aisément les grandes lignes de l’interprétation de l’histoire de la philosophie que M. Renouvier a tirée des principes dogmatiques que nous venons de le voir établir. Toute l’histoire lui paraîtra graviter autour des problèmes de la méthode, de l’idéalisme subjectif, du rôle de la croyance, de la découverte et de la conciliation des contradictions de la raison. Dans l’antiquité, qui lui paraît en général avoir manqué de méthode, il loue les pythagoriciens et Platon de s’être les premiers avisés de la méthode géométrique et de son application à tous les ordres de la connaissance. Il se montre, au contraire, extrêmement sévère pour les philosophies empiriques, et il y a dans les deux dernières pages du Manuel de philosophie ancienne un véritable réquisitoire contre elles. Aux sceptiques il reconnaît le mérite d’avoir établi que toute la pensée antique aboutit à une série de contradictions. Les néo-platoniciens, puis les Pères de l’Église reçoivent de vifs éloges pour avoir embrassé et concilié les contradictions. Naturellement les platoniciens de la Renaissance, surtout Nicolas de Cusa et G. Bruno, sont encore plus formellement approuvés. Descartes contient déjà à l’état de germes tous les développements de la pensée moderne. Il crée ou récrée en pleine conscience la méthode géométrique ; il donne une force inconnue jusqu’alors aux raisons de l’idéalisme