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Page:Hamelin - Le Système de Renouvier, 1927.djvu/43

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parler de lui appliquer, comme à l’espace, la quantité unie au nombre. Or le temps arrive à prendre, comme l’espace, le caractère dont il s’agit par le fait que, dans le mouvement, il accompagne l’espace avec un parallélisme exact. Dès lors il peut être regardé lui aussi comme une expression de la quantité extensive. Comme tel il présente les trois déterminations connues sous les noms d’instant, durée et succession auxquelles s’en rattachent trois autres simultanéité, intervalle de temps et suite (l’analogue du contact et, ajouterons-nous, ce qu’Aristote appelait τὸ ἐφεξῆς[1]). Au reste, de même que les catégories s’inclinent pour ainsi dire, vers la forme de la sensibilité, de même celle-ci tire d’elle-même et offre à la pensée des images dont celle-ci ne saurait se passer : externe et interne, contenant et contenu, forme et matière.

Avant de passer de l’entendement à la raison, M. Renouvier signale ce qu’il appelle le fait immense de l’association qui embrasse, dit-il, tous les mouvements de l’esprit humain en ce qu’ils ont de passif. Selon lui, ce fait consiste en ce que toutes les idées entre lesquelles il y a pour nous une relation quelconque, relation nécessaire d’ailleurs ou relation accidentelle et habituelle, sont susceptibles de s’appeler mutuellement avant l’intervention de la volonté.

Il définit la raison, comme Kant, dit-il, la faculté de généraliser. Généraliser ne signifie pas ici, on nous en prévient, la même chose qu’universaliser : car universaliser, c’est agrandir l’extension d’une idée en faisant cette idée plus abstraite, c’est créer des universaux. Généraliser ce sera au contraire rapporter des faits particuliers, c’est-à-dire spéciaux à un principe réel ou du moins idéalement réel qui en embrasse l’ensemble. Ainsi la raison a pour fonction d’atteindre des ensembles concrets ou plutôt la source commune de chacun de ces ensembles. De tels principes, de telles idées de la raison, selon le langage de Kant, sont, comme il l’a reconnu, au nombre de trois : l’âme, le monde

  1. Τὸ ἐφεξῆς, c’est-à-dire le contigu, ce qui se suit tout en restant distinct, sans que les extrémités se confondent — par opposition à τὸ συνεχές le continu. Dans Aristote, Physique, VIII, 6, 258 b.