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Page:Hamelin - Le Système de Renouvier, 1927.djvu/46

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un sens tout à fait nouveau. D’abord on nous répète que la contradiction est dans les idées, dans les essences et non dans l’être, qu’il ne faut pas constituer l’être par la réunion des deux idées opposées, ce qui serait faire de lui une idée. Bientôt cette première remarque mène plus loin. Si l’être diffère ainsi des idées, si l’être n’est pas une essence, alors nous ne le connaissons pas. Cet agnosticisme enlève à l’être quelque chose de son importance, sinon proprement de sa réalité. Mais il y a plus : peu s’en faut que l’agnosticisme avoué et complet, l’agnosticisme de Kant, ne soit reconnu pour la véritable solution des antinomies. Ce sacrifice méritoire de la curiosité humaine est déclaré préférable « à l’audace de Fichte » et « à la prétendue science du monde forgée par Schelling ou par Hegel » (543-544). L’auteur a beau écrire (530a ass. bas) « l’idée de l’être comporte, elle exige qu’autre chose soit posé que des ensembles de phénomènes », il est certain que le réalisme, l’ontologisme sont en baisse dans son esprit. Mentionnons encore pour mémoire, dans la même direction, l’aveu non seulement que les catégories, voire la substance comme catégorie ne doivent pas être érigées en choses, mais que le temps même n’existe pas en dehors des pensées (529a ass. bas, 529b) (voir à la fin de la leçon).

Nous venons de nous occuper des notions purement théoriques qui dans l’ontologie de l’article Philosophie offrent de l’intérêt pour l’histoire de la pensée de M. Renouvier. Certaines notions pratiques y sont aussi traitées de manière à mériter qu’on s’y arrête. Ce n’est pas sur la question de la liberté, la plus fondamentale de toutes cependant, qu’on trouve des innovations ni l’amorce de la théorie qui va dominer toute la philosophie des Essais. Au contraire, on lit à la page 555b que la liberté requise pour fonder le mérite c’est simplement l’absence de contrainte et la parfaite spontanéité. Nulle part M. Renouvier n’avait mieux montré combien il était imbu de la doctrine socratique et, pour une part, cartésienne, touchant les mouvements de la volonté (cf. Esquisse, II, p. 364 mil.). Et ce n’est pas tout : il va, obéissant à sa nouvelle tendance agnosticiste, jusqu’à ne plus se soucier de maintenir, au moins dans les mots, l’aspect extérieur de la liberté, la contingence, en face de son opposé, le déterminisme : il