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Page:Hamelin - Le Système de Renouvier, 1927.djvu/53

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comprend la philosophie et à qui, dans la tradition historique, il entend se rattacher. La philosophie comme métaphysique lui paraît à la fois impossible en elle-même à cause des contradictions internes ou entre écoles dans lesquelles elle se perd, et désormais dépourvue de représentants qu’on puisse prendre au sérieux. La philosophie telle qu’il la comprend n’est donc plus que la critique de la connaissance. Mais la critique ne laisse pas de toucher, au fond, bien qu’à son point de vue, à tous les problèmes qu’on appelait philosophiques, car elle se demande si la science peut embrasser l’univers et en assigner le tout, l’origine et la fin, de sorte qu’elle n’est pas moins vaste que la philosophie et, d’autre part, son rôle est indispensable, de sorte que, à la différence de ce qui avait lieu pour l’ancienne philosophie, son existence est justifiée. Il faut bien qu’on se demande ce que valent les lois et les principes de l’expérience ; quelle est l’étendue de la science et si c’est la même que celle de la croyance. Ces problèmes, que les sciences spéciales n’abordent pas, ne sont pas moins positifs qu’aucun de ceux dont elles s’occupent. La critique est animée de l’esprit même des sciences. Elle en est le complément inévitable. Plusieurs fois déjà, on a compris la philosophie comme consistant dans la critique de la connaissance c’est ce qui est arrivé un moment à Descartes, à Socrate pendant toute sa vie intellectuelle ; c’est surtout ce qui est arrivé à Kant. Il est vrai que les philosophes critiques n’ont pas été suivis, que les successeurs de Kant notamment sont revenus à la métaphysique et que le dernier d’entre eux n’a même fait qu’habiller en façon de logique le rêve cosmogonique du vieil Orient. Mais Kant est presque notre contemporain, et il est encore temps de revenir à son entreprise, de recommencer et de poursuivre sérieusement en France l’œuvre de la critique manquée en Allemagne. Ainsi, nous dit M. Renouvier, son ambition avouée est de continuer Kant.

Le Premier Essai s’attaque aussitôt à la tâche que la préface vient de déterminer. Se mettant en présence de la pensée il constate que tout langage et toute science consistent à rapporter certaines choses les unes aux autres, soit en les distinguant ou décomposant, soit en les identifiant, c’est-à-dire encore en les