Page:Hamelin - Le Système de Renouvier, 1927.djvu/91

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s’attachent au point de vue de l’expérience pour définir la loi. Mais l’empirisme, la part d’empirisme qu’ils admettent, ne provient pas chez les deux auteurs de la même source. La source, chez Comte, c’est un souci de méthode. Chez M. Renouvier le souci de méthode n’est pas seul ou bien la méthode même est inspirée par une préoccupation morale et métaphysique. Il n’est pas peu significatif de voir un penseur qui n’est pas, et tant s’en faut, un pur empiriste, éviter rigoureusement d’employer le mot de nécessité pour définir la loi, déclarer qu’il ne fera pas entrer ce mot dans l’énoncé du principe de contradiction lui-même[1] (pour cette raison il est vrai que le nécessaire n’y dirait rien de plus que ce qui est constamment attaché à nos pensées), et enfin restreindre plus tard autant qu’il peut le caractère de nécessité qu’il ne peut plus refuser à la loi. Et comme si ce n’était pas assez significatif encore, M. Renouvier déclare souvent que l’application de la loi de causalité au delà des données de l’expérience ou de ce qui y touche de près est une induction, et dans une étude sur la thèse de M. Lachelier il étend la même déclaration à toutes les lois (Crit. phil., 1872, I, 343-345). C’est évidemment le souci de la liberté qui dicte à M. Renouvier tant de réserve. Il y aurait d’ailleurs lieu de rechercher, quand le moment sera venu, si la liberté doit se concevoir comme une exception aux lois ou plutôt comme une manière d’être qui se pose au-dessus des lois, dans un domaine où celles-ci n’atteignent plus. Dans ce dernier cas rien n’empêcherait, dans l’hypothèse même de la liberté, de laisser aux lois dans leur domaine propre

  1. Renouvier, après avoir énoncé le principe de contradiction sous les trois formes qu’il distingue, ajoute « … d’ordinaire (on) introduit dans les énoncés précédents une idée de nécessité, ou de ne pouvoir pas ne pas être ainsi. Je me suis dispensé de cet usage, parce que le nécessaire ne signifie rien de plus que ce qui est constamment attaché à nos représentations quelconques, impliqué formellement dans toute pensée » (Logique, I, p. 159).

    « …Nous disons qu’il y a nécessité partout où il y a loi et constance dans l’ordre des phénomènes : nécessité logique lorsque, imposée de fait à l’esprit, la loi est admise en toute généralité et rigueur, au moins par hypothèse et que nous nous bornons à en dérouler les conséquences ; nécessité physique, lorsqu’il s’agit de phénomènes dont l’invariabilité n’est que de fait matériel. Dans tous ces cas, le nécessaire est synonyme du constant… » (Logique, II, p. 110-111).