Page:Hamont - Dupleix d’après sa correspondance inédite, 1881.djvu/339

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chambre ». Il en dressait froidement l’inventaire, sans se douter qu’à quelques pas de lui, sur ce lit à bas piliers, dormait du sommeil éternel un des plus grands génies du dix-huitième siècle. Cette indifférence, la cour et la ville la partagèrent ; la mort de Dupleix n’eut aucun retentissement. On l’enregistra à peine d’un mot banal dans les gazettes et dans les mémoires. Seuls, ses quelques amis, comprenant l’immense perte, le pleurèrent.


Ainsi s’éteignit dans la gêne et dans la tristesse le grand politique qui avait voulu donner à son pays le plus vaste empire colonial que nation européenne eût possédé jusque-là. Un haut essor interrompu par la sottise d’un gouvernement, de grandes vues habilement poursuivies, un génie tenace et fertile en ressources, une seule erreur, la confiance dans l’appui du cabinet de Versailles, voilà le résumé du rôle de Dupleix. L’œuvre à laquelle il se dévoua, — faut-il encore le répéter, alors qu’on a sous les yeux le succès des Anglais dans l’Inde ? — était la plus pratique et la plus réalisable. Elle aurait eu pour la France et pour la monarchie peut-être d’incalculables conséquences. L’Inde devenait comme un débouché ouvert à toutes les énergies, à toutes les intelligences qui s’étiolaient dans la métropole.

Il n’est pas douteux que la possession de la Péninsule eût exercé une influence singulière sur l’évolution politique et historique de la France et des nations ses voisines. Peut-être n’aurions-nous pas subi nos derniers désastres ; en tout cas, nous aurions plus de force pour