Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/103

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Je fis semblant de partir avec regret, car autrement ils auraient pu craindre que je ne cherchasse à leur échapper aussitôt que nous serions sur le territoire ennemi, et ils m’auraient gardé avec plus de soin ; mais, s’ils m’avaient laissé au village, je me serais enfui à bord du vaisseau français.

Nous partîmes donc avec trente-huit canots qui contenaient chacun vingt-huit personnes. Les prophéties de leurs dieux, leurs rêves et d’autres fadaises auxquelles ils ajoutent foi, leur promettaient le meilleur succès. Leur plan était de débarquer près de Brikioka, du côté où ils m’avaient fait prisonnier ; de se cacher dans les bois, et de s’emparer de tous ceux qui tomberaient entre leurs mains.

Ce fut vers le 14 août 1554, que nous partîmes pour cette guerre. C’est à cette époque de l’année, comme je l’ai dit plus haut, qu’une certaine espèce de poisson, que les Portugais appellent doynges, les Espagnols (liesses lizas), et les sauvages bratti, quitte l’eau salée pour aller déposer son frai dans l’eau douce. Les sauvages nomment cette époque de l’année Zeitpirakaen : ils la choisissent ordinairement pour leurs expéditions, parce qu’alors ces poissons leur servent de nourriture. En allant ils avancent lentement, mais en retournant ils vont le plus vite qu’ils peuvent.

J’espérais que les Indiens, alliés des Portugais, étaient aussi en marche ; car, comme me l’avait dit l’équipage du vaisseau, ils avaient l’intention de faire une excursion à la même époque.

Ils me demandaient souvent, pendant la route, si je pensais qu’ils feraient des prisonniers ;