Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/104

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et, pour ne pas les irriter, je leur disais que oui. Je leurs prédis aussi que nous rencontrerions l’ennemi. Une nuit, que nous étions campés dans un endroit nommé Uwattibi, nous primes beaucoup de ces poissons bratti, qui sont aussi grands que des saumons. Le vent était trés-fort ; et en causant avec les sauvages, il m’arriva de dire que ce vent soufflait sur bien des morts. Ils s’imaginérent aussitôt qu’un parti de leur nation, qui avait remonté une rivière, nommée Paraïbe, avait déjà attaqué l’ennemi, et avait perdu quelques-uns des siens ; ce qui, par la suite, se trouva être vrai.

Quand ils furent à une journée de distance de l’endroit où ils comptaient débarquer, ils se cachèrent dans les bois près d’une île qu’ils nomment Meyenbipe, et les Portugais Sam-Sebastian.

Dès que la nuit fut venu, leur chef, Konyan Bébe, parcourut le camp, et les harangua en disant : Que, maintenant qu’ils étaient près du pays ennemi, il fallait que chacun eût soin de se rappeler les songes qu’il aurait. Pour montrer qu’ils avaient bonne espérance, ils dansèrent autour de leur idole jusqu’à une heure très-avancée. Mon maître, en se couchant, me recommanda aussi de faire attention à mes rêves. Je lui répondis que je n’y croyais pas, et que c’étaient des mensonges. Alors il me dit : « Tâche au moins d’obtenir de ton Dieu que nous fassions des prisonniers. »

Au point du jour, les chefs se réunirent autour d’un grand plat de poisson bouilli ; et, en le mangeant, chacun racontait ses rêves. Ils dansèrent avec leurs idoles ; enfin ils se décidèrent à faire, le jour même, une descente sur le territoire ennemi, dans un endroit nommé Boywassu, où ils voulaient attendre la nuit.