Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/119

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Le vaisseau étant sur le point de mettre à la voile, tous les Français se rassemblèrent à bord où j’étais avec mon maître. Le capitaine lui fit dire par l’interprète, qu’il le louait beaucoup de m’avoir épargné, quoiqu’il m’eût pris parmi ses ennemis ; et il ajouta, pour avoir un prétexte de ne pas me laisser partir, qu’il comptait me donner quelques marchandises pour rester encore un an parmi les sauvages, à rassembler du poivre et d’autres denrées, parce que je les connaissais. Alors un ou deux matelots qui devaient représenter mes frères, et qu’on avait choisis parce qu’ils me ressemblaient un peu, commencèrent à s’y opposer, et à dire qu’ils voulaient que je partisse avec eux. Le capitaine feignit de chercher à les persuader, mais ils persistèrent à vouloir m’emmener, disant que notre vieux père désirait me voir avant de mourir. Le capitaine fit dire alors au chef, par l’interprète, qu’il était, à la vérité, le chef du vaisseau, et qu’il voulait me renvoyer à terre ; mais que, puisque mes frères s’y opposaient, il ne pouvait m’y forcer, puisqu’il n’était qu’un seul homme contre tous. Toute cette scène se jouait, parce qu’ils voulaient se séparer amicalement des sauvages. Je dis aussi à mon maître, que je ne demandais pas mieux que de m’en aller avec lui, mais qu’il voyait bien que mes frères ne voulaient pas me laisser partir. Il commença alors à pleurer, en disant que, puisque je voulais partir, je devais lui promettre de revenir par le premier vaisseau ; car il m’avait regardé comme son fils,