Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/38

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quand la Providence permit que l’un de nous découvrit une crique où nous nous hâtâmes d’entrer. Nous y aperçûmes une petite embarcation qui prit la fuite devant nous, et se cacha derrière une île. Nous ne sûmes pas à qui elle appartenait ; mais, sans nous amuser à la poursuivre, nous jetâmes l’ancre, et, après avoir remercié Dieu qui nous avait tirés d’un si grand péril, nous nous reposâmes et fîmes sécher nos habits.

C’était vers deux heures de l’après minuit que nous avions jeté l’ancre : à la nuit tombante nous vîmes arriver un grand canot plein de sauvages, qui voulurent nous parler ; mais aucun de nous n’entendait leur langue. Nous leur donnâmes quelques couteaux et quelques hameçons, avec lesquels ils s’en retournèrent. Il vint pendant la nuit un autre canot de sauvages, accompagnés de deux Portugais qui nous demandèrent d’où nous venions, et quand nous leur eûmes répondu que nous venions d’Espagne, ils nous dirent que notre pilote devait bien connaître la côte pour être ainsi entré dans le port, ajoutant qu’ils n’auraient pas pu y pénétrer par un pareil orage, eux qui le connaissaient parfaitement. Mais nous leur racontâmes tous les dangers que nous avions courus au milieu des vagues, et comment y au moment où nous allions tous périr sur les écueils, Dieu nous avait permis de découvrir ce port et d’y entrer, sans savoir où nous étions.

Ils furent très-étonnés de ce récit et remercièrent le ciel de notre délivrance. Ce port, nous apprirent-ils ensuite, se nommait Supraway, nous étions à environ vingt-trois milles d’une île nommée Saint-Vincent ; le pays qu’ils habitaient appartenait au roi de Portugal,