Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/85

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Je lui assurai que cela n’arriverait pas s’il ne cherchait pas à me faire périr, et il me promit si ceux qui m’avaient fait prisonnier ne persistaient pas dans l’intention de me faire périr, il ne les y pousserait pas.

Kenrimakui ayant eu aussi un rêve du même genre, me fit venir dans sa cabane. Après m’avoir donné à manger, il me raconta qu’autrefois il avait fait prisonnier un Portugais, qu’il l’avait tué, et qu’il en avait tant mangé, que son estomac n’avait jamais pu se remettre depuis ce temps-là. Son rêve le menaçait aussi de la mort. Je lui promis qu’il ne lui arriverait rien s’il renonçait à manger de la chair humaine.

Les vieilles femmes du village, qui m’avaient le plus maltraité et accablé de coups et d’injures, commencèrent aussi à s’apaiser et à me dire : « Scheraeire », c’est-à-dire, mon fils, conserve-moi la vie. Quand nous t’avons maltraité, c’est que nous te prenions pour un de ces Portugais que nous haïssons. Nous en avons déjà beaucoup pris et mangé ; mais alors leur Dieu n’a pas été irrité contre nous comme le tien à cause de toi, ce qui nous prouve bien que tu n’es pas un des leurs.

Ils me laissèrent ainsi pendant un certain temps, sans trop savoir en définitive si j’étais Portugais ou Français ; car, disaient-ils, j’avais une barbe rousse comme les Français, et tous les Portugais avaient la barbe noire.