Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/87

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et qu’ils m’emmèneraient sur leurs vaisseaux quand ils viendraient. Si vous refusez de me rendre ce service, ajoutai-je, ils me regarderont toujours comme un menteur, et me tueront un jour ou l’autre.

Je lui disais tout cela dans la langue des sauvages, lui demandant s’il n’avait pas un cœur de chrétien dans la poitrine, et s’il ne croyait pas qu’il y avait une autre vie après celle-ci, pour conseiller aux sauvages de me faire périr. Il commença alors à se repentir de ce qu’il avait fait, et m’assura qu’il m’avait pris pour un Portugais ; et que tous les gens de cette nation étaient de tels scélérats, qu’aussitôt que les Français pouvaient en prendre un au Brésil, ils le pendaient sur-le-champ ; ajoutant qu’ils étaient bien obligés de se conformer aux mœurs des Indiens, et de souffrir qu’ils traitassent leurs prisonniers comme ils l’entendaient, puisqu’ils étaient comme eux ennemis des Portugais.

A ma prière, il dit aux sauvages que la première fois il s’était trompé : que j’étais Allemand et ennemi des Portugais, et qu’il voulait m’emmener où les vaisseaux ont coutume d’aborder ; mais mon maître répondit qu’il ne consentait pas à me céder à personne, à moins que mon père ou mon frère ne lui apportât un vaisseau plein de haches, de miroirs, de couteaux, de peignes et de ciseaux pour ma rançon, car il m’avait saisi sur le territoire de ses ennemis, et ainsi j’étais de bonne prise.

Quand le Français l’eut entendu, il me dit : « Vous voyez qu’ils ne veulent pas vous lâcher ». Cependant je le suppliai, au nom du ciel, de m’envoyer chercher et de me faire embarquer pour la France dès qu’il arriverait un vaisseau. Ce qu’il me promit. Avant de partir, il recommanda bien aux sauvages de ne pas me tuer,