Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/229

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Il se cacha la tête dans les mains et crut qu’il allait pleurer. Il s’allongea sur le sol humide, dont le froid doux pénétra tout son être, et, pour se rafraîchir, il plongea son visage dans la rosée des herbes.

— Les seules larmes dont je sois capable, dit-il…

Un frisson de fièvre l’agita.

Il contemplait les tiges bleues qui se balançaient sur la terre brune, dans la brise de nuit.

— Comme il ferait bon n’être que cela ! Une plante ! Une pierre ! Rien !

Il les caressait du doigt, les frêles tiges bleues.

— Pauvres petites, l’homme vous méprise, et vous vous vengez en étant plus heureuses. Écoutez : celui qui est couché sur vous est un misérable, un voleur, un assassin, un traître…

Phrases voulues ! L’épuisement de son esprit et de son corps lui faisait un besoin, physique en quelque sorte, d’atténuer sa faute et sa misère. Las d’exacerber ses émotions, il revenait un peu à sa nature normale.

— L’ai-je vraiment trompé, puisque je n’aime que lui et ne veux rien lui cacher ? Je n’ai été que la victime d’un entraînement. La bête ! Un crime involontaire ! Je ne l’ai pas prise, elle m’a pris ! J’aurais dû résister ; mais, qu’est-ce qu’une étreinte qu’on n’a pas convoitée ? Un acte, un fait, honteux, triste, plein de rancunes, un pauvre fait !… La chair sans l’âme ! Est-ce l’amour, cela ? On se paye de préjugés qui nous rendent bien malheureux… Un Musulman