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Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/382

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arrière-pensée il tâchait de considérer sa femme avec un désintéressement qui n’était que trop peu sincère.

— Si je me trompais ! Si je ne l’aimais plus ! Au milieu des tortures suraiguës qu’elles nous imposent à plaisir, les femmes tuent l’amour en rêvant de l’exaspérer… C’est peut-être ma douleur que j’étreins dans un tel acharnement…

Pourtant, il revenait vers elle, et s’y autorisait, et s’y conduisait, puisqu’il le pouvait faire avec plus de calme maintenant, et que demain peut être sa passion défaillante achèverait de la répudier.

Il songea que là-bas, dans ce coin de province on se gaussait de son malheur et qu’il se contait des fables ; il perçut le chuchotement de toutes les médisances, calomnies, éloges, persiflages, compassions, et la sentence dernière des mesquins égoïsmes devant la chute de ce qu’ils ont jalousé : « C’est bien fait ! »

— Bah !

Il renvoya cela aussi.

Il fut un jour assez tolérant pour se dire : « Si du moins elle n’avait pas pris celui-là ! Il me resterait un ami et je serais moins malheureux. »

La différence n’eût pas été sans doute si sensible qu’il estimait, mais il estimait ainsi.

— La douleur est un égoïsme qui se dévore ! Ce reproche que je formulais si gracieusement il y a deux minutes marque plus d’égoïsme que de tristesse. La perte de l’amitié commence à me chagriner, après la perte de l’amour. Indice ! Si lui me manque davan-