Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/49

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physique qui peu à peu gagnait son âme et l’emplissait ; les tons du ciel avaient pour son œil une caresse délicate dont il ne retrouvait l’impression qu’en de très anciens souvenirs, et l’odeur verte des herbes sauvages lui semblait d’une suavité qu’il avait oubliée. Devant cette harmonie de tout, l’harmonie se refaisait en lui. Nature souple, changeante et compréhensive des beautés, il se voyait insensiblement envahi par cette douceur de végéter, qui paraissait envelopper les choses et les êtres : ce printemps le rajeunissait ; et, comme le premier soleil venait de réchauffer son corps, le contact de cet amour et de cette félicité graves, à présent, réchauffait son cœur. Il éprouva devant lui-même l’étonnement des convalescences. Eh quoi ! Quelques instants plus tôt, ne songeait-il pas à l’irrémédiable désolation de son âme, à ce dessèchement, à ce vide qu’il venait pour la première fois de contempler avec une angoisse inconnue ; ne s’était-il pas affirmé, dans une douloureuse et indiscutable logique, que tout était fini, et qu’il était trop tard ? Trop tard pour vivre ! Il ne le croyait plus, à cette heure. La nature lui devint si bonne et si prodigue, si aimable et si aimante, mère et sœur, avec ses compassions et ses promesses ! Il semble, à ces instants, qu’on ne l’ait jamais vue encore…

Les espoirs et les religions naissent de contempler. Georges se recréait dans cette genèse de la terre ; il vit ses épaules s’élargir et ses bras se gonfler : il s’aima ; un rien l’émerveillait : il remarqua