Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/83

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— Mon fier don Juan, vous voilà tout penaud d’être deviné !

Georges, en effet, ne savait que dire ; il voyait très distinctement le ridicule de son rôle, et s’en réjouissait presque, tant il était soulagé d’avoir fait quelque chose, si peu que cela fût. Il était de ceux qui se paient volontiers de phrases, à défaut d’actes accomplis.

Merizette ne cessait de rire.

— Est-il permis d’être aussi fat ! Soyez donc humilié, mon cher, devant votre ancienne conquête : car votre lettre est à peu près le seul souvenir que j’avais su garder de vous.

— Brûlez-la donc, madame.

— Quelle peur !

— Vous me raillez, c’est bien ; raillez encore, j’accepte tout : mais, par pitié, qu’il ne reste plus trace de cette sorte ! Songez à Pierre, et combien il vous aime, et quel chagrin il aurait. La pire souffrance qui me pourrait arriver serait de le voir souffrir pour moi. Épargnez-nous tous : effacez cela.

Comme elle allait répliquer, il l’interrompit.

— Ne répondez rien, je ne discute rien, je ne fais que vous prier. Ne croyez pas qu’il me soit venu la pensée insolente dont vous m’accusiez tout à l’heure ! Ne pensez pas qu’il me soit resté pour vous de mésestime, et que j’aie vu dans l’accueil de ma lettre autre chose qu’un peu d’enfantillage et de curiosité. Mon Dieu, je comprends tout. Cela vous a tentée, n’est-ce