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LA VIE EXTÉRIEURE.

C’est là qu’il vit.
Parfois, quand la nuit est bien noire,
Quand la lune a caché son large front d’ivoire
Derrière le mur gris des grands monts dentelés ;
Dans un flux de vapeurs quand les astres voilés
Veillent en souriant sur le sommeil des plaines ;
Lorsque toutes les voix et toutes les haleines,
Que tout ce qui parlait et tout ce qui chantait
Dans un dernier frisson s’assoupit et se tait,
Alors, il vient…
Du fond de la bourbe qu’il ride,
Il se soulève ; il nage à travers l’eau putride :
Dans les joncs gras et mous, péniblement, sans bruit,
Il monte… Il sort, rêveur affamé de la nuit.


Au pied des roseaux frais que la brise balance,
Morne, il regarde l’ombre, écoute le silence,
Et s’enivre au parfum lointain des fleurs du soir…


Il songe au beau soleil qu’il n’a jamais pu voir,