Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
111
LES DOUZE HEURES D’UN TAMPONNÉ

— À moi !

On ne m’entendit point, sans doute.

— S’ils allaient m’oublier ?…

Un peu plus fort, je répétai :

— À moi !

— Tiens ! Un qui piaule, par là…

— Ici ! Au secours !

— Oui, ma vieille ! Chacun son tour.

Je grelottais de fièvre. Les bons coups de la hache entraient dans les cloisons : j’entendais les planches s’ouvrir, et le ahan des hommes qui ne se rapprochait pas.

— Oh ! que c’est long !… Est-ce que je vivrai encore, quand ils arriveront ?

Une lassitude insurmontable m’avait repris : je ne demandais plus qu’à dormir. La peur d’être oublié là me ressuscitait aussitôt, et le sommeil me reprenait. Vous croyez peut-être que l’instinct de la conservation est une force très puissante, et qui ne meurt que par la mort ? Non. Elle s’épuise. Je l’avais épuisée. Loque accrochée, j’ai dormi.

Très peu de temps, sans doute, quelques minutes, quelques secondes, peut-être ? Mais j’ai dormi ; j’en suis sûr, et c’est de frayeur que j’ai sauté, de frayeur et non de joie,