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Nous entrâmes le 8 juillet en ce palais de douleur momentanée, pendant ces jours de terreur tricolore. Une section transversale le coupait en deux parties : l’une, gardée par les chasseurs à pied, nous était interdite ; dans l’autre, divisée en de nombreuses stalles à chevaux, s’étalaient de nombreuses paillasses sur lesquelles prisonniers et prisonnières prirent place.

Le front brûlant, accablée, je me laissai choir sur un de ces grabats et me mis à pleurer. Je vis plusieurs de ceux qui nous avaient précédés écrire des lettres, je leur demandai une feuille de papier et j’écrivis à mon mari et à ma famille qui habite la Touraine. (Je note ceci, car à Tours seulement, mon frère apprit que j’étais prisonnière). À Paris, rien.

Songeant au coup pénible que ma lettre allait porter au cœur de ceux qui m’aimaient, en proie à cette pensée que, malgré toutes les démarches qu’ils n’avaient pu manquer de faire, mon fils et mon mari n’étaient pas encore parvenus jusqu’à moi, je m’arrêtai souvent dans cette triste rédaction. Se savoir à quelques mètres des siens, sentir que votre absence les torture, ignorer enfin le sort qu’on vous réserve, n’est-ce pas trop de souffrances ? Ceux-là seuls que de