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quant à droite, ils passèrent sous les rayons d’une lanterne à gaz. Alors nous pûmes distinguer la nature du cortége : deux hommes étendus sur deux civières et qu’on transportait je ne sais où. Des soldats accompagnaient. Ceux qu’on enlevait étaient-ils morts ou seulement malades ? l’ambulance allait-elle les recevoir ou le cimetière ? question ! Quoiqu’il en fût, une heure après le convoi des prisonniers partit sans eux.

Cette scène à laquelle les circonstances et la nuit prêtaient un caractère funèbre, émut beaucoup les détenues. Quelques-unes, encore sous l’impression des fusillades récentes de Satory, eurent de cruelles pensées.

Rien comme l’ombre, d’ailleurs, n’ajoute au lugubre d’une situation ; ne pouvant s’assurer des faits, on les suppose, et pour peu que l’imagination s’en mêle, on se fait bientôt des fantômes des choses les plus naturelles. Hélas ! il n’en était que de trop réels… que de trop nombreux surtout. Quand les transports avaient lieu de jour, le tableau bien qu’attristant n’éveillait pas les mêmes angoisses. À la lumière, et dégagés des brumes tragiques, individus et choses reprenaient leur aspect véritable. Les wagons n’étaient plus de lourds cercueils et les gaz des