Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/14

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peuple, non plus que le reste de mes innocentes inventions ; étant permis à chacun de s’en passer, si bon lui semble[1]

» La difficulté que je dis rencontrer en la composition de mes gazettes et nouvelles n’est pas ici mise en avant pour en faire plus estimer mon ouvrage ; c’est pour excuser mon style, s’il ne répond pas toujours à la dignité de son sujet. Les capitaines y voudraient rencontrer, tous les jours, des batailles et des siéges levés ou des villes prises ; les plaideurs, des arrêts en pareil cas ; les personnes dévotieuses y cherchent les noms des prédicateurs, des confesseurs de remarque. Ceux qui n’entendent rien aux mystères de la cour les y voudraient trouver en grosses lettres. Tel, s’il a porté un paquet en cour sans perte d’homme, ou payé le quart de quelque médiocre office, se fâche si le roi ne voit son nom dans la gazette. D’autres y voudraient avoir ces mots de monseigneur ou de monsieur répétés à chaque personne dont je parle… Il s’en trouve qui ne prisent qu’un langage fleuri ; d’autres qui veulent que mes relations semblent à un squelette décharné… Ce qui m’a fait essayer de contenter les uns et les autres.

» Se peut-il donc faire (mon lecteur) que vous ne

  1. Ici encore nous avons à signaler une altération qui, pour être moins grave, n’en mérite pas moins que nous la relevions. Un recueil périodique des plus répandus, reproduisant la préface de Renaudot, retranche de cette phrase le mot nuisible, et la donne ainsi, en la soulignant : « Du moins sont-elles en ce point exemptes de blâme qu’elles ne sont aucunement à la foule du peuple, non plus… » ; ce qui voudrait dire, — en mauvais français, — que la Gazette n’est pas faite pour le peuple, non plus que les autres inventions de Renaudot ; et ce serait tout simplement absurde. — Et nous en citerions vingt de cette force.