Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/18

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puissant moyen de gouvernement ; il y envoyait des articles entiers, et y faisait insérer ce qu’il avait intérêt à faire connaître à l’Europe.

Nous avons peine à croire que Louis XIII, comme nous le lisions naguère dans le feuilleton d’un grand journal, « quittât sournoisement son Louvre pour se rendre à bas bruit dans la rue de la Calandre, dans cette boutique gazetiere qu’énonçait si bien l’oiseau criard, le grand coq de son enseigne, et que là le pauvre roi, endoctrinant à l’aise le pédantesque Renaudot, se dédommageât, par les petits commérages qu’il lui glissait à l’oreille, du silence et de l’inaction auxquels le condamnait son ministre. » Mais on ne peut douter que ce monarque, qui n’osait guère avoir de volonté, ni parler un peu haut, pas même devant sa femme, ait pris une part active à la rédaction de la Gazette. Lorsqu’il y avait quelque dissidenee politique dans le royal ménage, c’est à la Gazette qu’il s’en confiait pour conter au monde ses doléances ; il écrivait ce qu’il n’osait pas dire, et riait sous cape en voyant circuler sa vengeance anonyme et en étudiant ses effets sur l’âme altière de la reine.

Quand Louis XIII fut mort, et que Anne d’Autriche eut été nommée règente, Renaudot, menacé dans son privilège, dut rendre compte du passé médisant de sa Gazette, que ses envieux l’accusaient d’avoir ouverte aux ennemis de la reine. On remit à flot je ne sais quelle fâcheuse affaire d’arrestation de prisonniers espagnols dans laquelle la reine s’était fort compromise, et l’on fit ressortir toute l’acrimonie d’un mémoire rédigé à cette occasion par le roi, et dont le gazetier s’était fait l’éditeur, sans croire qu’il en dût jamais être responsable. Mais Renaudot n’était pas homme à se déconcerter ; vrai journaliste, il avait la riposte vive, la réplique véhémente. Il ré-