Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/21

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vée, et se fait une arme de ses chagrins domestiques. Une légère difformité dont il était affligé, — il était camus, — est le sujet d’éternels sarcasmes. On va jusqu’à lui contester la légitimité de son prénom de Théophraste, que l’on trouve trop pompeux pour qu’il ne soit pas emprunté.

Et n’allez pas croire que ce soient là propos d’enfants. Ce n’est rien moins, s’il vous plaît, que la Faculté de médecine de Paris, qui trouve de pareils moyens contre un adversaire qu’elle jalouse, et qui les articule dans un procès solennel. Mais ce n’est pas tout. Voulez-vous savoir jusqu’où allait la rare subtilité de ces graves docteurs ? Suivez bien ce raisonnement : « Renaudot est né à Loudun, où il est certain, de par Laubardemont, que les démons ont établi leur domicile ; il a témoigné avoir une partie de leurs secrets et de leurs ruses. En effet, Tertullien remarquait dans son Apologétique, — on cite le passage, — deux circonstances qui avaient mis le diable en crédit : le débit des nouvelles et celui des recettes pour les maladies. Or, Renaudot est gazetier, il veut être empirique, il est né à Loudun : donc, etc. »

Et c’est au milieu du XVIIe siècle, en plein conseil, que se débitaient de pareilles sottisses ! Il faut dire aussi que le bûcher d’Urbain Grandier était à peine éteint. Comment s’étonner alors que Renaudot ait succombé sous de telles accusations !

Puisque ce nom d’Urbain Grandier est venu sous notre plume, disons, à l’honneur de Renaudot, que, bien qu’il ne put ignorer quelle main frappait son infortuné compatriote, il ne craignit pas de composer son éloge et de le faire distribuer dans Paris.

Il soutenait, à cette époque, contre la Faculté de Paris, un procès qui joue un grand rôle dans sa vie, et auquel nous faisions tout à l’heure allusion. Quel-