Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/23

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fut condamné comme un établissement nuisible aux classes pauvres. Le temps devait bientôt casser cet arrêt. Il fut sans doute fort heureux pour la Gazette qu’elle comptât parmi ses rédacteurs Louis XIII et Richelieu, car elle aurait bien pu ne pas survivre à cet étrange procès.

L’instrument de la Faculté dans cette longue querelle, son grand exécuteur, fut Gui Patin, si fameux par son esprit satirique. C’était lui qui avait si habilement échafaudé l’accusation qui devait tuer Renaudot. Voici encore un échantillon de ses aménités. Ahordant son adversaire à l’issue de l’audience où celui-ci venait de succomber. — « Consolez-vous, Monsieur, lui dit-il, vous avez gagné en perdant. — Comment cela ? — Vous étiez entré camus, et vous sortez avec un pied de nez. »

Mais tous les arrêts du monde, pas plus que les quolibets, ne pouvaient prévaloir contre le bon sens public. Renaudot conserva, malgré tout, la réputation d’un savant médecin ; il continua, en dépit de la Faculté, à faire jouir le public de ses innocentes inventions, comme il les appelle lui-même, et il emporta dans la tombe, où il descendit le 25 octobre 1653, la reconnaissance des pauvres et l’estime de tous les gens éclairés. Si l’on en croyait quelques envieux, il aurait laissé une immense fortune ; mais Gui Patin lui-même avoue qu’il était loin d’être riche, se donnant ainsi à lui-même et aux calomnies qu’il avait si laborieusement entassées un éclatant démenti.

Renaudot d’ailleurs avait assez vécu pour voir l’humiliation de ses adversaires. La Faculté avait été forcée de s’incliner devant l’évidence, et l’émétique avait triomphe de ses préjugés. — Quant à la Gazette, nous avons vu quel en avait été le succès.