Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/24

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Tel fut Renaudot, toujours envié et toujours au dessus de ses envieux. Par quelle étrange fatalité a-t-il pu se faire que si peu d’honneur se soit attaché à sa mémoire, que son nom soit à peine connu, quand ses conceptions ont toutes reçu du temps une éclatante sanction ; quand le germe qu’il avait déposé dans les bureaux d’adresse a si merveilleusement fructifié ; quand tous les états ont des monts-de-pieté ; quand la presse enfin est devenue ce qu’elle est ?

Un pareil oubli ne saurait demeurer plus longtemps sans réparation, et, sans doute, il aura suffi de le signaler pour que justice soit enfin rendue a Renaudot.

Si la génération nouvelle, en effet, sceptique et railleuse comme ses aînées, ne se montre pas toujours parfaitement équitable envers le présent, au moins doit-on convenir, à sa louange, qu’elle est juste et reconnaissante envers le passé. On aime à croire, en voyant le mouvement qui, depuis quelques années, s’est emparé des esprits, que l’heure de la réparation a sonné enfin pour toutes les injustices et pour tous les oublis.

L’ancienne société avait trop de chemin devant elle pour regarder en arrière ; elle manquait d’ailleurs du flambeau qui aurait pu la guider dans cette exploration.

La révolution vint, et la lumière jaillit à flots ; mais pendant les vingt-cinq ans de ce grand drame, l’attention fut impérieusement captivée par ses péripéties diversement émouvantes ; c’est à peine, à cette époque, si la mémoire suffisait à compter les hommes que chaque jour dévorait.

Mais quand le gigantesque échafaudage de l’empire se fut écroulé, il y eut comme un temps d’arrêt dans la marche de la société ; les esprits, fatigués