Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/38

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Ceux de Bois-Robert nets et justes ;
Ceux de Quillet forts et piquants ;
Ceux de Colletet élégants.
Scarron n’est point en cette ville,
Mais, au rapport de plus de mille,
Encor qu’un peu malicieux,
Ses vers sont très facétieux.
Ceux du sieur Ménage sont rares ;
Ceux de Sandricourt sont barbares ;
Ceux de Scudéry sont charmants,
Aussi bien que ses beaux romans ;
Ceux de Neuf-Germain sont grotesques ;
Ceux de Dassoucy sont burlesques ;
Ceux de Marigny sont cruels ;
Ceux de Tristan sont immortels ;
Ceux d’un tel sont mélancoliques ;
Ceux de Segrais sont héroïques ;
Les miens sont naïfs, et rien plus…

Les critiques ne manquèrent point à Loret, comme bien on le pense. Sa tâche était devenue plus difficile à mesure que le cercle de ses auditeurs s’était agrandi.

Le métier qu’il faut que je fasse
Bien plus qu’autrefois m’embarrasse.
Quelques beaux esprits modérés
Souhaitent qu’ils soient (mes vers) tempérés ;
D’autres veulent que le Gazette
Sente un peu l’épine-vinette.
Mais ces miens vers, quand ils sont tels,
Me font des ennemis mortels.
D’ailleurs, ma rime n’est point bonne
Quand je n’égratigne personne.
Bref, mes vers, tant ici qu’aux champs,
Sont méchants s’ils ne sont méchants.
Voyez quelle est mon infortune !
Si je pique un peu, j’importune,
Et, lorsque je ne pique pas,
Mes vers sont froids et sans appas.