Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/7

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qu’un humble ruisseau, qui, jusqu’en 1789, coula sans grand bruit et presque inaperçu ; mais alors, gonflé par l’orage révolutionnaire, il déborde et renverse tout sur son chemin, jusqu’à ce qu’une main de fer l’ait enfermé dans des digues étroites qu’il parvient à rompre après trente ans d’efforts, pour s’ouvrir le large lit où il a coulé depuis. Suivons-le dans cette longue course : elle est pleine des plus intéressantes péripéties.

On ne savait point encore, en France, au commencement du XVIIe siècle, ce que pouvait être, je ne dirai pas un journal, dans l’acception actuelle de ce mot, mais même un recueil périodique. Il faut descendre jusqu’en 1631, deux cents ans après l’invention de l’imprimerie, pour trouver chez nous l’origine de la presse[1].

Il y avait alors à Paris un médecin qui faisait grand bruit ; il s’appelait Théophraste Renaudot.

C’était un de ces vifs esprits pour qui le progrès est un besoin, qui, dans leur impatience, peuvent quelquefois faire fausse route, mais dont la féconde activité tourne toujours, en fin de compte, au profit de la société. De notre temps on l’eût dédaigneusement qualifié d’industriel, ses ennemis le traitaient de charlatan ; mais alors, comme aujourd’hui, l’envie devait être impuissante contre le vrai mérite.

Renaudot était né à Loudun en 1584. Après avoir étudié la chirurgie à Paris, il était allé se faire recevoir docteur à Montpellier ; il avait ensuite voyagé pendant plusieurs années. Revenu dans sa ville natale, il y exerca son art avec tant de succès, que sa

  1. L’Angleterre et Venise avaient déjà depuis quelques années, celle-ci une Gazette, celle-la un Mercure, destiné à démentir les fausses nouvelles ; mais ce n’étaient là que des embryons.