Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 1.djvu/304

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Il est bien vray qu’il n’estoit pas ignorant, ses preambules estoient tousjours farcis de latin et sa relation avoit bien du stile d’un sermon de village ; il sçavoit les lieux communs, dont il enrichissoit son discours assés à propos, et, lorsque les nouvelles n’estoient pas assez abondantes, il trouvoit le moyen, comme estant de pratique, de tirer et d’allonger la matière pour achever le cayer et remplir la mesure ; lorsque nos generaux n’avoient rien executé de nouveau, Ciceron avoit dit de belles choses ; de l’Histoire françoise n’ayant rien à dire, on avoit recours à la Romaine, dont on rapportoit des exemples qui n’avoient aucune application.

Il avoit toutesfois bien choisy son temps, et, comme personne ne le contredisoit, il pouvoit faire ses orges, et faire accabler son imprimeur de sols bossus ; le pain ne se vendoit pas mieux que ses papiers, on y couroit comme au feu, l’on s’assommoit pour en avoir, et les colporteurs donnoient des arres dès la veille affin qu’ils en eussent des premiers ; on n’entendoit, les vendredis, crier autre chose que le Courrier françois, et cela rompoit le col à toutes les autres productions d’esprit parmy lesquelles il se pouvoit treuver quelque bonne pièce.

Mais enfin, après douze de ses arrivées, qui n’estoient, comme j’ay dit, que de son logis à l’imprimerie, et dans toutes lesquelles il n’a jamais usé qu’une paire de souliers, la Paix, nous remettant dans le bonheur, fit la fin de son negoce et de sa bonne fortune, son travail cessa quand tous les autres recommencèrent, et il commença de se plaindre quand tout le monde ne songea plus qu’à se resjouir. Ainsi va le monde, chacun à son tour, il n’est pas tousjours temps de rire, et l’on ne peut pas estre et avoir esté.

Toutes les choses estant retablies par cet accord, chacun voulut rentrer dans ses droits, et surtout Mademoiselle Gazette, sortant de son trou de boulin, où elle s’estoit tenue recluse et le bec clos à crocquer le marmot durant tout le temps de la guerre, pria sa maistresse de luy rendre ce qu’elle ne luy avoit osté qu’à cette condition ; la bonne dame ne luy peut pas refuser une requeste si juste, mais, pour contenter son Courrier, qui ne vouloit