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lui garder soigneusement le plus profond secret. » Il craignait que le jugement qu’il y portait sur Pétrarque et son génie ne fît du chagrin à l’abbé de Sade, pour qui il avait de l’amitié ; c’est pourquoi il ne voulait pas être nommé. « Je ne fais pas grand cas, écrit-il à d’Argental (22 juin 1764), des vers de Pétrarque : c’est le génie le plus fécond du monde dans l’art de dire toujours la même chose ; mais ce n’est pas à moi à renverser de sa niche le saint de l’abbé de Sade. »

Mais la Gazette littéraire végétait, un article de Voltaire était pour elle une bonne fortune : sans nommer l’auteur, puisqu’il ne le voulait pas, ne pouvait-on pas soulever un coin du voile, juste assez pour que le public devinât ? L’abbé Arnaud le pensa ainsi, et il fit précéder l’article sur Pétrarque de cette note traîtresse : « La lettre que nous insérons ici respire le goût et décèle la main d’un grand maître. » Voltaire en témoigna son mécontentement. « Je crois, écrit-il à d’Argental le 30 juin, que la Gazette littéraire m’a brouillé avec l’abbé de Sade. Ce n’est pas que je me reconnaisse à la main d’un grand maître, dont l’abbé Arnaud a désigné l’auteur des remarques sur Pétrarque ; mais enfin vous savez que j’avais demandé le plus profond secret. Je vous supplie de gronder l’abbé Arnaud de tout votre cœur. Encore une fois, je n’aime point Pétrarque ; mais j’aime l’abbé de Sade. »