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il poursuivit le fils du célèbre critique. Ces persécutions, avons-nous dit, eurent pour prétexte apparent une insulte dont l’Année littéraire se serait rendue coupable envers un comédien. On trouve à ce sujet, dans les Mémoires secrets, quelques détails qui ne sont pas sans intérêt.


11 juillet 1781. — Le jeune Fréron, dans le numéro 9 de ses feuilles, en parlant du sieur Desessarts, comédien de la Comédie française, d’une vaste corpulence, et surtout d’un ventre énorme, l’a appelé ventriloque : le sieur Desessarts a trouvé la plaisanterie mauvaise ; il s’en est plaint au maréchal duc de Duras, et ce supérieur, très-zélé pour les comédiens, a intéressé le gouvernement dans cette querelle. On exige une réparation de la part du journaliste. Celui-ci consent à la faire ; mais honnête, et non telle que l’a dictée le comédien. On ne veut point de cet arrangement, et depuis un mois la négociation traîne en longueur. Enfin, on a menacé le sieur Fréron de lui ôter son privilége, si cela ne se termine pas à la satisfaction du supérieur.

Un M. Salaun, coopérateur de M. Fréron et auteur de l’article, s’est mis en cause, s’est avoué pour le coupable, s’il y en avait, et pour le seul à punir. On le prend à partie aussi ; mais on n’en tient pas quitte le premier, et jusques ici M. le garde des sceaux est inflexible. On ne peut concevoir à quel excès d’avilissement on réduit ainsi les gens de lettres par complaisance pour un grand, engoué d’un misérable histrion.

27 juillet 1781. — Voici la note que le jeune Fréron offrait de mettre dans une de ses feuilles pour correctif à l’endroit du compte-rendu de la pièce du Jaloux sans amour de M. Imbert, qui a causé tant de scandale dans le tripot comique et excité la vive réclamation du sieur Desessarts :

« Nous apprenons que l’expression de ventriloque dont nous nous sommes servis à l’égard de M. Desessarts l’a mortifié. Notre intention n’a jamais été de l’offenser ni de lui dire rien d’inju-