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dans sa conduite. Je me suis peint fidèlement, sans examiner si le portrait flatte mon amour-propre ou s’il le blesse.


Cette débonnaireté de l’abbé Prévost lui fit trouver grâce auprès des philosophes. Delisle de Sales voit dans sa feuille périodique la quintessence du Journal des Savants, auquel elle tenait par ses principes et par son style ; un petit monument littéraire, qui empêcha quelques moments, s’il faut en croire Voltaire, les ennemis du goût, d’introduire l’abomination de la désolation dans le sanctuaire ; le Pour et Contre lui semble, en un mot, par sa composition ou simplement par son titre, le modèle des bons journaux du temps.

« En effet, écrit-il, c’est en disant le pour et le contre sur tout ouvrage qui sollicite nos regards, en justifiant l’éloge par la critique et la critique par l’éloge, en se faisant pour ainsi dire l’avocat du diable dans la canonisation des nouveaux saints, qu’on pouvait se flatter d’annoncer les jugements de la postérité sans être dédit par elle. L’abbé Prévost, à cet égard, a été un modèle, surtout dans les quatre premiers volumes, publiés à Londres, qui renferment une sorte d’indépendance d’opinion, fruit du climat qu’il habitait, et dont, grâce à son bon esprit, personne n’eut à gémir… Cet abbé Prévost, que l’abbé Desfontaines caressa longtemps pour l’affilier à sa secte naissante, était l’antipode du journalisme, mais sans le faire soup-