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ciliant la faveur des jeunes gens de lettres, je les avais presque tous pour coopérateurs.

Le tribut des provinces était encore plus abondant. Tout n’en était pas précieux ; mais si, dans les pièces de vers ou les morceaux de prose qui m’étaient envoyés, il n’y avait que des négligences, des incorrections, des fautes de détail, j’avais soin de les retoucher ; si même, quelquefois, il me venait au bout de la plume quelques bons vers ou quelques lignes intéressantes, je les y glissais sans mot dire, et jamais les auteurs ne se sont plaints à moi de ces petites infidélités.

Dans la partie des sciences et des arts, j’avais encore bien des ressources. En médecine, dans ce temps-là, s’agitait le problème de l’inoculation. La comète prédite par Halley et annoncée par Clairaut fixait les yeux de l’astronomie. La physique me donnait à publier des observations curieuses : par exemple, on me sut bon gré d’avoir mis au jour les moyens de refroidir en été les liqueurs. La chimie me communiquait un nouveau remède à la morsure des vipères et l’inestimable secret de rappeler les noyés à la vie. La chirurgie me faisait part de ses heureuses hardiesses et de ses succès merveilleux. L’histoire naturelle, sous le pinceau de Buffon, me présentait une foule de tableaux dont j’avais le choix. Vaucanson me donnait à décrire aux yeux du public ses machines ingénieuses ; l’architecte Leroi et le graveur Cochin, après avoir parcouru en artistes, l’un les ruines de la Grèce et l’autre les merveilles de l’Italie, venaient m’enrichir à l’envi de brillantes descriptions ou d’observations savantes, et mes extraits de leurs voyages étaient pour mes lecteurs un voyage amusant. Cochin, homme d’esprit, et dont la plume n’était guère moins pure et correcte que le burin, faisait aussi pour moi d’excellents écrits sur les arts qui étaient l’objet de ses études. Je m’en rappelle deux que les peintres et les sculpteurs n’ont sans doute pas oubliés : l’un sur la lumière dans l’ombre ; l’autre sur les difficultés de la peinture et de la sculpture comparées l’une avec l’autre. Ce fut sous sa dictée que je rendis compte au public de l’exposition des tableaux en 1759, l’une des plus belles que l’on eût vues et qu’on ait vues depuis dans le salon des Arts. Cet examen était